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Partout je suis Titi

Nulle part ailleurs qu’à l’école je ne suis Raphaël, sauf quand ma mère fait une colère. Pas même ma grand-mère (le seul grand-parent que j’aie jamais connu), jusqu’à ce que je sois adulte ou presque, ne m’appellera ainsi.

A partir de la grande section, toutefois, je me familiarise avec ce prénom, l’officiel, et j’apprends à bien l’aimer. Ma dernière maîtresse de maternelle, puis Mme Finetti, mon adorable instit de CP, y sont pour quelque chose : elles le prononcent gentiment, contrairement à Mme Bramcote (anagramme) de la moyenne section. Partout ailleurs, je suis Titi. Ce sont mes deux prénoms. Je n’ai pas la notion de ce qui relève du surnom. Et puis un jour je découvre que ça ne s’arrête pas là : en plus de mon nom de famille, que je tiens de mon père et que j’entends toujours prononcer de travers, je suis doté d’encore deux autres prénoms! À l’état civil, je suis : Raphaël, Gilles, Thomas. Ils ne me viennent d’aucun oncle, d’aucun aïeul, je suis le seul et le premier, mon identité n’est pas un hommage ni un clin d’œil à quelque ancêtre.

Je suis fier désormais d’affirmer que je m’appelle Raphaël-Gilles-Thomas, d’une traite, à la file, comme un prénom composé, et même surcomposé! J’ai 6-7 ans et ce trio de prénoms existe d’un tenant - Gilles tout seul, ou Thomas tout seul, ce n’est pas moi : je suis Raphaël-Gilles-Thomas! Je m’amuse à les intervertir et, plus tard, je me fais des deux derniers, en inversant leur place, un nouveau prénom : Thomas-Gilles. Et puis, naturellement : Rafael Toma Gil.

Quand je me prends d’affection pour Gil Jourdan, le tout jeune détective privé de BD, je suis fier de m’appeler comme lui : je ne comprends pas que Gil est le diminutif de Gilbert, que ce n’est pas le même Gilles que moi!

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