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Ce qui sera sera

Doris Day vient de mourir (1922-2019). Je remets ici l’une des plus belles scènes de cinéma, l’une des plus intenses, celle qui m’emeut sans doute le plus, entièrement portée par Doris Day et James Stewart, sous la direction d’Alfred Hitchcok, dans L’homme qui en savait trop.

 

Leur petit garçon Hank a été enlevé. Il est retenu dans cette ambassade. Ancienne chanteuse célèbre, Jo (Doris Day) est invitée à s’installer au piano pour satisfaire l’assistance. Elle se met à jouer Que sera sera dans l’espoir que son fils, où qu’il soit séquestré, l’entende. C’est en effet la chanson qu’elle aime chanter avec lui. Plus tôt dans le film, une scène ravissante nous les a montrés tous deux danser dans une chambre d’hôtel.

 

Une chanson qui raconte la transmission d’un message simple d’une mère à sa fille, puis de cette fille, devenue mère, à ses enfants : « Ce qui sera sera, ce qui doit advenir adviendra, il ne nous est pas permis de voir le futur, ce qui doit arriver arrivera. »

 

Alors elle chante un peu fort, l’émotion la tend sur le clavier, quelques regards étonnés s’échangent dans le public. Le jeu de regards avec son époux (James Stewart) est tout bonnement somptueux. Il l’encourage et tente d’apaiser l’inquiétude qui la dévore, en même temps qu’il guette tout signe pouvant venir de leur fils.

 

La caméra monte dans les étages déserts, plan par plan, avec la voix de plus en plus lointaine de Doris Day, qui chante au rez-de-chaussée. La caméra arrive jusqu’à l’enfant, en haut, qui reconnaît la voix de sa mère. Sa gardienne se laisse gagner par un élan de compassion et autorise le petit à siffler aussi fort qu’il peut pour signaler sa présence.

 

Le sifflement arrive aux oreilles des parents. Instant sublime de leurs regards qui se cherchent et se soutiennent et qui, subitement, s’éclairent. Doris Day suspend sa chanson l’espace d’une demi-seconde. L’émotion la submerge mais elle se reprend aussitôt pour ne pas éveiller l’attention, permettant à James Stewart de s’éclipser et de suivre les sifflements de Hank.

 

Toute l’intensité de la scène se niche dans les regards des deux acteurs, pleins d’angoisse puis d’espoir. Dans le petit sourire de James Stewart qui reconnaît la voix de son fils et dans les yeux embués de Doris Day fixés sur son mari…

 

Lorsqu’il était enfant, mon père a été bouleversé par ce film et par cette scène. Lui qui manquait d’amour s’est identifié au petit Hank, il a aimé cette mère magnifique et ce père courageux. C’est, en dehors de sa passion pour le Tour de France, la seule chose que je connaisse de son enfance, la seule émotion qui me renvoie à sa vie avant ma naissance. Je sais que la voix de Doris Day, chantant Que sera sera, résonne en lui.

 

« Il arrivera ce qui doit arriver. Adviendra ce qui doit advenir. Ce qui sera sera. »

 

https://www.youtube.com/watch?v=_91hU6LDjoA&fbclid=IwAR2Zu_iAReEJLPGmc5udBr1r1Pp5n7oZh-ITGTcszicHNUZJO3SlUMuPJQU&app=desktop

 

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