Infernale cafetière

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Mais ce soir-là, Tom reçut un choc. Lorsque sa charmante voisine préféra un thé au café, un raz-de-marée s’éleva en lui. Alors, ça c’était fort de cacao!

Tom était sidéré. Quelque chose ne tournait pas rond. D’où venait cette résistance nouvelle au café ? Lui était le seul à détenir ce privilège ! En fin de compte, cette cafetière ne lui servirait à rien. C’était complètement idiot d’avoir une cafetière pour le simple plaisir décoratif. En faisant chauffer l’eau sur le feu, abattu et résigné, Tom observa l’appareil qui ne trouvait aucune utilité. La machine s’élevait tout en noir. A y regarder de plus près, elle n’était pas spécialement remarquable. Elle sentait le neuf, certes ; c’était une odeur fraîche de plastique. Un plastique noir luisant. L’eau était bouillante. Il la versa dans deux tasses. Les sachets de thé se mirent à infuser : c’est à cet instant précis que Tom eut une idée!

Après tout, si ce cadeau lui était inemployable, il pouvait prétendre à un cadeau reconnu utile. La Responsable des Adhésions pouvait comprendre cela. Il n’avait qu’à renvoyer son présent en expliquant sa situation, et attendre une théière en retour. Une théière, ça c’était bien. Et voilà qui ne serait pas superflu. Le Club Biblio-Cuisine serait assurément conciliant.     

Aussitôt pensé, aussitôt fait. Tom téléphona au Club, où un standardiste nouvellement employé lui répondit, sans avoir l’air très convaincu, que l’échange devait être faisable, et qu’il attendait le retour de la cafetière. Tom s’exécuta et emballa la machine, qui retourna à l’envoyeur. De toute façon, elle était gratuite, en conséquence il n’avait rien à perdre, hormis les frais de poste.

Quinze jours plus tard, Tom était enchanté de trouver un avis de passage du facteur qui l’invitait à retirer un colis à la poste principale. L’attente devant les guichets lui fut même agréable. Une jolie théière l’attendait !

Il retourna à la maison, son paquet sous le bras. Mais quel ne fut pas son étonnement en sortant de l’emballage… une cafetière ! Il eut un instant de doute. Comment une théière pouvait-elle ressembler à s’y méprendre à une cafetière ? Un courrier accompagnait l’envoi chagrinant. Cette fois, il provenait du Service Après-Vente du Club Biblio-Cuisine, dont le responsable se déclarait réjoui d’avoir pu remettre en état de marche cette magnifique cafetière. Le dysfonctionnement était probablement dû à un mauvais usage. A un mauvais usage ! Le dysfonctionnement ! Remettre en état ! Une cafetière qui n’avait jamais servi ! L’histoire eût été comique s’il n’y avait eu un coupon de facture sur lequel Tom pouvait lire que la garantie d’un mois étant épuisée, il devait acquitter une somme de trente-cinq euros quatre-vingt-dix-huit. Pour une cafetière gratuite, c’était cher le cadeau.       

Il ne pouvait en rester là. Mais il était pris de sueurs : il convient de rappeler que Tom était naturellement timide, ce qui l’empêchait de se défendre convenablement dans les situations les plus simples de la vie quotidienne. Il aurait pu se faire accuser de vol sans oser contester. Angoissé, il misait sur une résolution rapide et simple du malentendu. Il téléphona au Club.     

Une standardiste fut à son écoute. Ce n’était pas grave, assurait-elle. Mais toute réclamation devait se faire par courrier recommandé. Il importait d’adresser le courrier au Service des Réclamations, tandis qu’il fallait diriger la cafetière vers le Service Après-Vente. Comme ce genre de démarches semblait compliqué, elle finit par admettre que seul le courrier suffisait, et qu’il n’était pas utile de renvoyer la cafetière ; la théière désirée lui parviendrait en guise de cadeau de dédommagement.       

Tom se dit qu’il n’aurait qu’à offrir cette cafetière encombrante. Ou alors non, il aurait un délicieux ensemble cafetière-théière.

Le lendemain, il adressa son courrier de réclamation au service concerné, en expliquant qu’il attendait une théière conformément à l’accord passé par téléphone. Cette fois, c’était bon, il n’avait plus qu’à patienter !

 

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