Le Parc à Ferrailles

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La recherche du Parc à Ferrailles s’annonce ardue. Vincent n’a pas compris si c’était un bar ou un club privé. Qu’importe, s’il baise. Mais il a soif, et s’arrête dans un bar, il redemandera son chemin, et boira du vin, ou de la bière, parce qu’il a soif. C’est un bon plan, ça. Il se réjouit déjà tristement à l’idée du plaisir qu’il va redécouvrir ce soir. Penché sur son verre, il voit dans le rouge un reflet qui n’est pas le sien. C’est celui de son imagination, l’image d’une femme. Une femme belle. Elle lui sourit. Ses cheveux châtains flottent, se collent aux bords du verre. Le visage cesse soudain de sourire. Le cœur de Vincent s’emballe. Lucie est dans son verre, elle est dans son vin. Les cheveux semblent se dissoudre et disparaissent, puis la peau du charmant visage, qui se plisse, verdit et fond doucement. Ce n’est finalement plus qu’une tête de cadavre, complètement putréfiée, dévorée par les asticots, avec deux grands trous noirs à la place des yeux. Horrifié, Vincent finit son verre d’un coup sec, puis appelle la patronne :

- Je cherche Le Parc à Ferrailles. On m’a dit que c’était près du David. Vous connaissez ?

La fausse blonde ne peut s’empêcher de sourire.

- Le "parc à ferrailles" ? Qu’est-ce qu’on vous a dit que c’était ?

- Je ne sais pas, un bar je crois.

- On s’est pas un peu foutu de votre gueule ?

- Pourquoi ?

Elle prend ses clientes à témoin, et Vincent se rend compte qu’elles ont toutes un air tendancieusement lesbien :

- Monsieur cherche un bar qui s’appelle Le Parc à Ferrailles ! Mais mon biquet, c’est de la blague, ça !

- Je comprends pas.

- Ça n’existe pas, c’est pas un bar, c’est une expression d’ici.

- Mais on m’a dit que…

- On s’est moqué de toi, fada ! Les parcs à ferrailles, c’est comme ça qu’on appelle les endroits où vont les rombières pour trouver l’amour. Tu cherches des vieilles, tu veux une vieille ferraille ?

Vincent comprend en hoquetant qu’on l’a pris pour un imbécile. Mais le concept l’intrigue :

- Et où peut-on trouver un parc à ferrailles ?

- Mais va plutôt à la Mathurine, mon grand ! Tu es jeune et beau.

- La Mathurine ?

- C’est un bar où se rendent les femmes de marins. Il leur faut un remplaçant, à leur éternel absent. Y a de belles femmes, là-bas, et avec un peu de chance, tu auras plusieurs courtisanes. Tu es jeune et beau.

- Vous me prenez pas pour un con, cette fois-ci ?

 

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